L'article de cette semaine sera d'une nature un peu particulière.
Il ne vous racontera pas une histoire de chats, même si nos matous étaient bien au cœur du sujet initial de nos préoccupations.
Comme très souvent nous poursuivons, dès que nous le pouvons, nos trappages réguliers à des fins de stérilisation et identification de "ceux de la rue".
Mais cette activité demande beaucoup de patience, et les temps morts durant lesquels il faut attendre peuvent souvent nous occuper de longues heures.
Parfois des badauds s'arrêtent et nous interrogent sur nos activités, mi inquiets, mi curieux.
Nous assistons un peu à toutes sortes de réactions.
La gamme s'étale de l'incompréhension peu amène aux encouragements toujours plaisants.
Mais la rencontre de la semaine écoulée a été particulièrement marquante et touchante.
Comme toujours, nous étions dans l'attente de voir se pointer une paire de moustaches inconnues.
Un homme s'est approché, barbu, d'une cinquantaine d'années, muni d'un bâton de marche.
Visiblement un de ces êtres humains qui fait la route depuis bien trop longtemps, qui n'a ni foyer, ni point d'attache et qu'il est de bon ton pudique de nommer lâchement des SDF.
Une autre vie qui partage, elle aussi, le quotidien de "ceux de la rue".
Il cherchait sa route et voulait simplement connaître l'heure.
Il ne demandait rien, ne mendiait rien.
Sa voix était d'une extraordinaire douceur, posée, calme, qui vous donne l'envie d'engager une conversation, de découvrir et apprendre.
Nous avons donc bavardé, parlé de tout, de rien, de nos activités ...
Il n'a rien dit de lui, mais ses paroles étaient toujours marquées par la douceur, la tolérance et la bienveillance.
Il émanait une sorte de bonté naturelle et innée. Une très grande humanité.
Dans le lieu perdu et isolé où nous étions, nous lui avons proposé notre déjeuner, un peu de pain et le modeste en-cas prévu pour midi.
C'était spontané, comme une évidence.
Ce n'était en rien de la pitié, juste un acte naturel et nécessaire.
Et puis, il est reparti sur sa route, vers son destin.
Quelle a été sa vie, quelle sera sa destination ?
Même son nom restera inconnu.
Nous ne saurons jamais si une telle existence est une contrainte ou un choix.
Mais croyez bien que de voir s'éloigner cette silhouette frêle et émouvante provoque au fond de soi un énorme malaise, un sentiment étrange mêlant à la fois bien-être et culpabilité..
Le cœur se serre ne ne pouvoir apporter davantage.
Alors, fort modestement, nous te dédions cet article afin que d'autres êtres humains fassent un peu ta connaissance, afin que tu laisses une trace dans nos mémoires.
Ce texte de Gilles Servat est pour toi, ami de quelques minutes. Il te correspond à merveille.
En ces temps de divisions et de fractures effrayantes au sein même des sociétés, de velléités internationales belliqueuses et inquiétantes, il est bon de réaliser que de vrais et modestes Humains peuvent encore croiser nos routes et nous faire espérer.
Montage : Photoscape
Photos : JM
Illustrations : Pixabay
"Il est des êtres beaux" est une chanson de Gilles Servat.