Petit retour en arrière : pour ceux qui ne me connaissent pas encore, je suis Théoden, chat errant, chat différent, chat rejeté...
Mais cela suffit, de mon passé je ne veux rien garder, de l'avenir tout espérer !
Aujourd'hui, c'est bien un message d'espoir que mon cœur vient vous livrer.
Après une étape chez une première famille d'accueil pour prendre des forces, le train allait m'emmener vers cette vie de rêve que je prenais pour l'instant pour un mirage et qui, d'un clignement d'œil, risquait peut-être de s'envoler...
Nous en étions aux portes de la gare, au moment où commençait la grande chaîne de solidarité mise en place pour me sauver.
Après un voyage en train épuisant, je suis arrivé chez une dame très gentille. Tout avait été prévu pour moi, tel un roi, je fus installé dans une pièce splendide. Mon premier regard fut attiré par un objet inconnu pour moi, je n'osais m'y installer et pourtant, que ça avait l'air confortable ! Sans hesitation, la gentille dame me saisit et me posa délicatement sur l'objet de ma convoitise : "Un canapé" me dit-t-elle, le désigant... Je ne l'écoutais plus, perdu dans ce mœlleux... Un objet aussi extraordinaire, quelle surprise, moi qui n'avais connu que le froid du béton !
Et je n'étais pas au bout de mes surprises : de la nourriture et de l'eau à volonté m'attendaient. J'avais eu l'occasion, les jours précédents, d'en profiter, mais quand on a manqué de tout... Ça vous marque à jamais. Une litière rien que pour moi était là également (on a beau être un chat des rues, à mon âge, on se doit quand même d'avoir une certaine éducation !).
Quoi d'autre me réservait donc cet appartement de rêve ?
Mais déjà, la fatigue me gagnait et c'est sous les caresses que je m'endormais d'un sommeil sans cauchemar...
Le lendemain, c'est dans une voiture que la dernière partie de mon voyage commençait, après un au revoir ému à celle qui m'avait hébergé. Je fus installé confortablement par ma covoitureuse, direction ma nouvelle famille cette fois...
Arrêt de la voiture, mon cœur bât la chamade : dans quelques instants ma nouvelle maman va arriver. Le doute me submerge, et si je ne lui plaisais pas ? Et si elle changeais d'avis ?... Je ne suis plus un chaton qui fait fondre les cœurs, je ne suis pas un chat qui fait s'exclamer les gens "Mais qu'il est beau !", et puis je suis marqué de ce sceau des chats des rues !
En quelques instants mon rêve s'écroule, comment pourrait-on aimer un chat comme moi ?... Je me cache au fond de ma cage de transport, voulant retarder le moment où ses yeux se poseront sur moi et où je pourrai lire le dégoût que je vais lui inspirer...
Elle s'approche, ouvre la cage et c'est un cri qui vient du fond de son cœur que j'entends !
– Mais qu'il est beau ce chat, quel amour, tu as l'air si doux... Allez zou Théoden ! On file chez nous, tu dois avoir chaud..."
Chez nous ?... Je ne rêve donc pas ?... C'est pas possible, d'un regard, d'un seul, j'ai fondu ; j'ai lu dans ses yeux tout l'amour que je rêvais de trouver un jour...
Tandis que la voiture de ma maman démarre, je suis installé à côté d'elle. J'ai tout le loisir de la regarder, elle me parle : d'amour, de ma nouvelle maison, de mes copains qui m'attendent, du jardin securisé où je pourrai me dégourdir les pattes...
"Chez moi !" Je me répète ces deux mots que je n'avais encore jamais osé prononcer, comme pour bien m'en imprégner...
Plus que quelques kilomètres et j'y serai, mais qu'importe où elle m'amène si je peux rester à côté d'elle ! Pour la première fois sans doute, je peux le dire : je suis heureux !
