L'article qui va suivre est un mail reçu il y a quelques jours. Avec l'accord de son auteure, nous le publions.Celui-ci nous encourage à continuer ce qui a été entrepris depuis maintenant 3 ans sur l'hôpital St Jean de Perpignan.
Si seulement notre action sur le terrain pouvait faire boule de neige et sensibiliser un peu plus le milieu hospitalier au devenir des petits félins qui sont encore trop souvent considérés comme nuisibles.
"Bonjour ;)
Je viens de parcourir l'intégralité (!!!) des articles de votre blog : que d'aventures ! Et quel incroyable et merveilleux travail accompli ! Je ne peux que vous féliciter le plus chaleureusement du monde pour tout ce que vous faites, et avec quelle efficacité !, félicitations sincères, vraiment !
J'ai "glissé" du forum Rescue vers votre blog (via une bannière) : quand j'ai lu "chats d'hôpital" il fallait que je clique dessus !
Je vous explique : j'ai passé toute mon enfance et mon adolescence dans un hôpital (j'ai la maladie des "os de verre" et je suis en fauteuil roulant), j'y vais encore de temps à autres aujourd'hui, et j'en ai fait des hôpitaux ! A chaque fois, à chaque hôpital, le même dénominateur commun, le même repère rassurant, doux, chaleureux : les chats... ;)
Les chats d'hôpitaux sont fascinants. Je l'ai remarqué depuis très longtemps !! Et justement récemment, en contemplant et gratouillant un chat dans une cour d'hôpital, j'y songeais : le chat et l'hôpital, une vieille histoire... pourtant méconnue.
Le chat et l'hôpital sont liés depuis toujours. J'imagine aisément que le tout premier hôpital était blindé de chats ^^
Bien sûr les cuisines, le vaste territoire et les nombreux abris qu'il offre n'y sont pas pour rien... ;)
Mais il y a plus que cela, bien plus :
dans cet endroit plutôt glauque qu'est l'hôpital (d'ailleurs, plus les hôpitaux sont neufs plus ils sont glauques je trouve ! Ces bâtiments flambant neufs, ces peintures aux couleurs avenantes détonnent étrangement avec la triste réalité que vivent beaucoup de patients (et le personnel) : toute cette débauche de "perfection" comme si l'hôpital était un hôtel qui doive plaire au client pour le faire revenir, juxtaposée à une réalité faite de douleurs, de souffrances, de morts, de pénurie de moyens et de personnel... c'en est presque "obscène". Je préfère les hôpitaux un peu délabrés, dont les couloirs des sous-sols les plus reculés sont couverts de graffitis de patients (ou du personnel ;) ) aigris, poètes, cyniques, vulgaires, insolents, drôles ou tout simplement heureux d'être en vie, les murs aux peintures un peu décrépies, les faibles éclairages jaunâtres nous offrant une pénombre salutaire lorsqu'on a besoin d'être seuls ... c'est comme si les bâtiments eux-mêmes étaient touchés par tant de souffrances et de malheur, comme s'ils exprimaient ainsi toute leur tristesse et leur compassion... enfin c'est mon avis ;) c'est mon côté psycho-philo-poète :P ),
dans cet endroit plutôt glauque qu'est l'hôpital disais-je, le chat symbolise la nature, le vivant, la liberté, l'espoir de le voir, de pouvoir l'approcher, le caresser. Que l'on soit patient, famille de patient, personnel hospitalier ou visiteur de passage, le chat d'hôpital reste cet énigmatique compagnon, cet ange-gardien invisible (les chats n'étaient-ils pas considérés par les Egyptiens comme les Gardiens des portes de la Mort ? Rien de plus normal qu'il y ait autant de chats dans les hôpitaux ;) ), cet ami fidèle dont on ignore pourtant tout ou presque.
Coincés dans un fauteuil roulant, les patients observent un chat en train de chasser et s'émerveillent devant cette parfaite mécanique... de quoi motiver pour la rééducation ;)
Empathique et compatissant, le personnel de l'hôpital prend soin des chats en les nourrissant, les soignant comme ils peuvent, les adoptant parfois, ou les instituant "mascotte du service" ;)
Pétri d'inquiétude pour un proche, un visiteur ou la famille d'un patient trouve le réconfort en voyant débarquer un chat inconnu qui leur offre un câlin inattendu...
Etc etc etc... les hôpitaux sont remplis d'histoire(s), sont remplis de chats, sont remplis de milliers d'histoires comme celles-là : d'histoires de chats... ;)
Bien loin du portrait caricatural de "squatteur rempli de puces et de maladies" comme le décrivent ses ennemis (et ils sont nombreux....), le chat d'hôpital est un incroyable vecteur d'humanité : autour de lui s'organisent nombre de solidarités, grâce à lui se font bon nombre de rencontres, avec lui se partagent les joies et les peines.
J'ai toujours connu des hôpitaux. Et j'ai toujours connu des chats.
Je ne peux imaginer un hôpital sans chats !
Encore aujourd'hui, il y a un hôpital près de chez moi. En m'y rendant, j'ai fait la connaissance d'un "squatteur" du coin ;) Monsieur (ou Madame?!) Chat y a ses habitudes : nourri tantôt par les patients, tantôt par le personnel, peu farouche!!, il vient spontanément à la rencontre des personnes qui passent par le petit parc de l'hôpital. Asseyez-vous sur un banc pour fumer votre cigarette ou prendre le soleil, et vous aurez de grandes chances de le voir venir vous dire bonjour, vous demandant même des caresses, voire s'installant sur vos genoux !!
Nombre de patients et d'infirmières, d'aides-soignantes, de médecins profitent ainsi des attentions de ce chat, et ils le lui rendent bien ;)
Parfois j'y vais juste pour voir s'il est là et lui dire bonjour ! Je l'appelle, et en général il ne met pas cinq minutes à arriver :)
J'ai vu des patients et des infirmières, médecins etc... nouer le dialogue autour de ce chat, chose qui ne serait jamais arrivée s'il n'avait pas été là.
Indispensables je vous dis ces chats !
Bref, je pourrais en écrire des pages ! (d'ailleurs je pense à faire un bouquin sur le sujet, sérieusement, et comme je prends beaucoup de photos aussi ;) ), tout ça pour vous dire que votre blog, forcément, m'a tapé dans l'oeil ;)
Et votre manière spectaculaire d'avoir géré la situation (là où tellement d'autres se plantent...) force le respect : comme quoi gérer la surpopulation féline (ou canine d'ailleurs!) et l'aspect sanitaire (puces, maladies...) dans un hôpital, de manière "humaine" est tout à fait faisable, pourvu que LA DIRECTION de l'hôpital soit encline à comprendre et coopérer, dans un véritable partenariat avec une association ou des bénévoles compétents.
Dans l'hôpital que j'ai le plus fréquenté, ça n'a pas été le cas malheureusement.
Au début tout allait "bien" :) Pendant très longtemps et depuis toujours, les chats vivaient paisiblement à l'hôpital : nourris aux cuisines, abrités du vent et de la pluie dans les sous-sols et autres recoins, réchauffés par les conduits d'évacuation des chaudières, ayant leurs petites habitudes et visites près des différents services, se laissant approcher voire caresser à l'occasion par les patients ou d'autres, ces chats vivaient selon un rituel bien établi qui semblait parfaitement leur convenir (et convenir à l'hôpital ;) ).
Bien sûr, hélas..., personne ne se préoccupait de la "surpopulation" animale, et ces chats n'ont jamais été stérilisés... (ni vaccinés ni rien d'ailleurs). Lorsque les mesures sanitaires et d'hygiène se sont durcies avec les années, la seule réponse de la Direction a été de donner l'ordre express aux cuisines de ne plus nourrir les chats!, et d'éventuellement les empoisonner avec des boulettes ou de faire venir la fourrière... Tôlée générale !!!! Heureusement... mais la situation n'est pas idyllique pour autant.
Exemple : j'étais ado, et j'étais hospitalisée car je venais de me faire opérer du genou. Un mois d'hospitalisation pendant les vacances d'été, chouette... Le soir avec une amie on trainait en dehors des bâtiments dans les allées de l'hôpital, histoire de nous aérer, nous balader.
Bref, un soir on tombe sur un chat mal en point. Les yeux un peu inflammés et larmoyants (genre sale conjonctivite), le nez qui coule, et bien trop tranquille et immobile, même pour un chat ;) Je m'approche doucement, il tourne un peu la tête pour me regarder mais ne bouge pas. Je parviens à le porter et le prendre sur mes genoux (dont l'un venait d'être opéré!, oui je sais c'est pas bien j'aurais pu attraper une vilaine infection en prenant ce chat manifestement malade sur moi... mais que voulez-vous?! je me disais que j'étais déjà à l'hôpital : si je tombe malade, ils me soigneront ! lol Et franchement je ne pouvais me résoudre à laisser cette pauvre bête par terre ainsi...).
Je l'observe un peu : oui il est très malade, c'est évident. Il semble apathique. Sa mâchoire ou son cou, je ne saurais dire (sous le menton, un peu au niveau de nos amygdales) est gonflé, enflé. Comme un oedème. Ses yeux sont larmoyants, mais les larmes sont un peu "collantes". Il a le nez qui coule et éternue. Et pour finir, sa respiration ne semble pas idéale...
Que faire ??????
Il est 21h30 ou 22h, je suis mineure, dans un hôpital : comment faire prendre ce chat en charge ??????
Ma famille : impossible, ils n'avaient pas de voiture pour venir le prendre.
Amis : réveiller ou déranger les parents de mes potes ados pour qu'ils récupèrent un chat "sauvage" mourant de je ne sais quel truc potentiellement contagieux ??! Peu de chances que ça marche...
Le ramener dans le service : non, je risquerais de contaminer les autres patients. Moi je m'en foutais un peu, disons que c'est ma décision, c'est moi que ça regarde si je veux bien prendre ce risque, mais prendre le risque de contaminer les patients du service, non...
La fourrière : non ! Je sais très bien comment ils vont s'en "occuper"...
Alors quoi ??
Avec mes piécettes (pas de portable à l'époque !) j'appelle les renseignements et je prends le numéro de diverses assos de protection animale. Toujours avec mon chat aux yeux qui coulent sur les genoux, ronronnant à présent sous mes caresses, j'appelle lesdites assos... Déjà, la plupart répondent pas, je tombe sur de fichus répondeurs. Certains messages répondeurs indiquent le numéro de vétérinaires pour les urgences, alors j'appelle, confiante et naïve : pour me voir opposer des refus nets et catégoriques... qui paiera les frais ?? Bah heu... j'ai 14 ans, j'suis à l'hôpital, dehors dans une cabine avec ce chat malade sur les genoux, et c'est pas mon chat alors... un acte de générosité de la part des vétos ? Queue dalle !! J'étais effondrée, déçue, je comprenais pas comment on pouvait être à ce point c... et sans coeur...
J'ai appelé les autres assos, celles qui ont répondu m'ont dit qu'elles ne pouvaient pas venir le chercher (pas de véhicule dispo... quand j'y repense, j'aurais du réquisitionner une ambulance !!!!!), et qu'apparemment c'était trop tard pour ce chat, et trop dangereux pour moi (niveau infectieux) de continuer à m'en occuper...
Bref, y'a rien à faire...
J'ai envoyé ma copine chercher des restes de nourriture, on lui en a donné mais il a peu mangé :/ Il ronronnait, il s'endormait, il se reposait. Il s'éteignait... Durant tout ce temps, il était sur mes genoux, n'essayant pas de descendre même quand je devais le "lâcher" pour pouvoir pousser mon fauteuil roulant, on s'est trouvés un coin tranquille et on a passé autant de temps qu'on a pu à lui donner à boire, à manger, des caresses et des câlins, des paroles de compassion, d'amour, de solidarité. Jusqu'à 23h ou 23h30 environ (on pouvait pas plus, les infirmières de l'équipe de nuit étaient des descendantes de la Gestapo et si nous ne regagnions pas nos doux draps AP-HP au plus vite, elles risquaient de déclencher l'alerte générale, électrification des barbelés, miradors et tout le toutim... j'exagère à peine !).
Et puis j'ai du me résoudre à "laisser" mon chat là, seul et agonisant, dans la nuit... Je l'ai "posé" pas trop loin de là où je l'avais trouvé (devant mon service!), aussi confortablement que possible, à un endroit que j'estimais le plus "idéal" pour lui : à l'abri pour être tranquille, mais à un endroit d'où il pouvait tout voir pour qu'il puisse "observer" son environnement. Je lui ai longuement parlé avant de l' "abandonner"... encore quelques caresses, quelques mots doux, un dernier long regard avant que la porte de l'ascenseur se referme... J'éclatais en sanglots.
Ca m'a profondément marqué : c'est effroyable ce sentiment d'impuissance que j'ai vécu à ce moment là... ce chat, je ne l'ai jamais revu le pauvre.
Heureusement, aujourd'hui il existe des assos comme la vôtre, et des directions d'hôpital intelligentes et sensibles comme celle de l'hôpital de Perpignan !! :) (quoi ? des directions d'hôpital intelligentes ?? Ca existe ?! Ouuuiiiiiiiiiii !!) Quelle heureuse nouvelle... S'il y avait eu des gens comme vous à l'époque... Pourvu que des centaines d'autres structures et partenariats similaires voient le jour !
Enfin voila, votre asso m'a tout particulièrement touchée, et je voulais vous témoigner tout mon respect et ma gratitude. Ce que vous avez fait, ce que vous faites, est absolument merveilleux : lâchez pas l'morceau !!!!!!!
Eléonore, heureuse propriétaire de 2 matous et d'un gros "patou" de près de 40kg ;)"