Je m'appelais Midinette.
J'étais de celles que l'on nomme "chatte de gouttière".
Une tigrée banale et défigurée.
Toute petite déjà ma vie avait mal débuté.
Je vivais dehors.
De bonnes personnes me nourrissaient tous les jours mais j'acceptais difficilement leurs approches.
Un mauvais jour, je contractais ce que vous, humains, nommez un coryza.
Il fut très violent, j'étais affaiblie, une importante infection m'a alors atteinte.
Mon œil, mes paupières, mon nez, mes sinus furent rapidement dans un triste état.
Mon visage faisait peur à voir.

Les humains nourrisseurs tentèrent longtemps en vain de me parler, de m'amadouer
je sentais qu'ils me voulaient quelque chose mais je ne comprenais pas.
J'avais tellement mal.
Et puis, vint un moment, je ne sais pourquoi, j'ai donné ma confiance.
Je fus embarquée illico presto sans bien comprendre ce qui m'arrivait.
Alors, ce fut le néant, le grand trou noir.
Je me réveillais dans un autre univers.
Je ne sentais plus mon ancienne douleur.
On m'a dit "maintenant tu es une chatte de notre association, sois la bienvenue"
Etrange discours ...
Tout m'était étranger dans mon nouveau décor.
Un grand et gros chat roux veillait sur moi et semblait me vouloir du bien.
Il y avait aussi d'autres félines comme moi.
Et un grand bipède à la voix forte. Lui, pas question qu'il m'approche !
Petit à petit, le temps à passé. Les "années" pour vous autres, au nombre de trois. Le fil de la vie pour nous, félins.
Le grand rouquin se nommait Paprika et je me fis son ombre.

Les autres chattes étaient gentilles et très tolérantes avec moi.
Je refusais la main tendue de l'humain mais j'appréciais le confort, la sécurité et la bonne nourriture qu'il m'apportait.
Un jour, ce nigaud avait même laissé la porte de la maison grande ouverte.
Que croyez-vous que je fis ?
Rien. Je restais tranquillement allongée sur mon coussin à dormir, scrutant le dehors, sans vraiment m'y intéresser.
Je pouvais sortir à volonté dans un petit jardin qui me suffisait amplement, alors pourquoi chercher à partir ?
J'étais bien.
Quelques voyages dans ce que vous appelez "une voiture" me contrariaient bien un peu.
Les lieux changeaient mais le confort restait le même.
Tout allait pour le mieux pour moi, j'étais heureuse et m'intéressais beaucoup à la vie de la maisonnée.
Et puis, un triste jour de votre mois de Mars dernier, je ne compris plus rien.
Je ne pouvais plus bouger mes pattes arrières. Je rampais au sol.
Oh, j'en ai alors fait des voyages, été vue et revue dans un drôle d'endroit avec des odeurs étranges. J'ai reçu des piqûres, des soins.
Je compris à la tête du bipède que quelque chose le tracassait et le peinait après ces visites.
Petit à petit, à force de volonté, je réussis à remarcher, je mangeais de bon appétit, je retrouvais ma dignité et mon autonomie.
Mes habitudes revenaient, ma vie reprenait son cours presque normal.
Mais quelque chose me dévorait et brûlait au fond de moi.
En peu de temps, je me suis sentie fatiguée, tellement fatiguée.
Je n'avais pas mal, non, seulement l'impression que tout effort me pesait et m'épuisait.
Et aussi, cette immense lassitude de tout.
Je mangeais un peu moins, je limitais mes mouvements, je respirais très vite.
Mon bipède constata que mon dos se mettait à fondre à toute vitesse, je maigrissais.
Alors, seulement à ce moment, je me mis à accepter ses caresses et les appréciais.
Trop tard ? Non il n'est jamais trop tard pour dévoiler ses sentiments.
Le jour de mon "passage" se fit tout en douceur, j'étais chez moi, à bout de force, au petit matin.
Mon humain était présent auprès de moi. Il me parlait, me caressait, me rassurait.
Paprika était là, lui aussi.
Je sentais l'étincelle de la vie me quitter doucement, j'ai levé la tête vers eux dans un dernier effort, un dernier regard.
Et puis je suis partie pour un grand voyage sans retour.
Je suis devenue une poussière d'étoile.
Qu'importe ? Ma petite âme ne vous a pas quittés.
Ma dernière photo ici bas. Un de mes grands plaisirs, écraser les fraisiers ! J'espère qu'il y en a ... là haut.
J'ai rejoint plein de nouveaux amis comme moi, bien loin, au delà d'une lumière multicolore.
Nous veillons sur vous tous.
Ils m'ont accueillie et parlé de vous tous avec la plus grande bienveillance.
________________________
A ma grande surprise, un matou noir et blanc m'a pris à part et m'a dit qu'il m'attendait.
Il a eu ces mots :
"Je m'appelle Poulbot, j'ai très brièvement rencontré les mêmes humains que toi.
Je voulais absolument être libre, je ne vivais pas sur l'hôpital, je ne faisais qu'y passer.
Une voiture des rues de Perpignan a décidé de mon destin quelques jours avant ton propre départ.
Mon nouveau rôle était alors de t'attendre, te guider et t'accueillir.
J'ai une âme, moi aussi."

Mon Paprika, je t'ai aimé malgré que tu aies été parfois un peu rude avec moi, et serai toujours près de toi.
Mon "humain" de compagnie, j'ai toujours su et compris que tu me voulais du bien, mais que veux tu, on ne se refait pas.
Et puis, tu le sais bien, nous avons tout de même énormément échangé et partagé tous les deux.
J'avais quatre ans.
J'aimais la vie. J'aimais ma vie.
Je m'appelais Midinette.

Un immense merci par avance pour vos messages à venir,
en espérant que vous comprendrez que
je n'aurai pas le cœur de vous répondre individuellement.
Dans quelques jours un commentaire unique sera rajouté
et l'article sera mis à jour pour vous remercier.
"I loved you my lady, though in your grave you lie, I'll always be with you. This rose will never die, this rose will never die."
♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦
Mise à jour du 17 Mai 2019
Un petit mot de remerciement pour chacune et chacun de vous.
Vous avez toutes et tous exprimé de manière très émouvante votre amitié et votre solidarité à l'occasion du départ de Midinette et de Poulbot.
Soyez certains que nous avons - car la peine est la même pour chacun de nous dans notre petite association - été vraiment très sensibles et touchés par chacune de vos interventions.
Il y a eu de beaux articles, de très jolis textes, de superbes poèmes, des mots, des messages et des pensées.
Les sentiments ont été exprimés avec votre cœur et votre ressenti.
Tous ces mots, sans exception, sont forts car ils traduisent bien plus que quelques caractères frappés sur un clavier.
Ils montrent tout simplement la belle âme humaine, celle que nous aimons et partageons.
Sachez que jusqu'à son dernier moment, Midinette a aimé la vie.
Elle a apprécié, même épuisée et à bout de forces, de pouvoir continuer à sortir au soleil, déguster de bon petits repas, déguster ses friandises favorites et se sentir accompagnée.
Son départ a été le plus doux possible même si ce sont des moment très durs à vivre et à gérer.
Soyez encore une fois remerciés pour avoir aidé à mieux appréhender et accepter "l'après".
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